Songe d'une nuit d'été
Songe d'une nuit d'été
Taiya avait faim. Mais son lit était tellement confortable. Finalement, c’est le cri du ventre qui fut le plus fort, elle se leva. La jeune femme avait passé une nuit blanche : son éditeur l’avait contacté plus tôt pour lui mettre la pression, elle avait encore dépassé le délai de l’imprimeur, sa carrière était en jeu. Toute sa vie ne tenait plus qu’à un dessin. Pour l’instant, elle marchait au radar, butant contre tous les meubles comme un zombie. Elle s’arrêta avant d’avoir atteint la cuisine, devant son bureau. Une grande feuille blanche occupait les deux tiers de l’espace, une feuille totalement blanche, sans le moindre croquis. Taiya s’assit et pris un crayon, elle devait dessiner. Pour rendre ce travail, pour continuer sa vie normalement, comme d’habitude. Elle essaya de stimuler son imagination, pensa à de belles choses, de bons sentiments…
Rien. Le vide absolu. Une larme coula le long de sa joue, l’angoisse de la page blanche la terrifiait toujours autant, comme à ses débuts… Ses débuts, Taiya n’en avait qu’un vague souvenir. Un petit poste, un petit salaire, un petit appartement, un petit bonheur, une réussite personnelle. Et puis il y avait cet homme, comment s’appelait-il déjà ? Un beau brun qui l’avait comblée, avant. Elle se rappela qu’elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit, ses paupières commencèrent à papillonner. Sans s’en rendre compte, elle s’endormit sur sa feuille.
Les silhouettes étaient floues. Du vert, du bleu, du jaune, du rouge… Des couleurs vives qui l’éblouirent. Le gris terne de la ville avait assombrit son regard mais toute la lumière qu’elle reçut maintenant fit briller ses yeux bleus. Une douce brise faisait voler ses longs cheveux blonds. Un sentiment de sérénité l’emplit, depuis quelques année elle n’avait pas ressentit un tel bien-être. Elle était dans un champ de fleurs, par un après-midi d’été. Un homme courait à côté d’elle. Un bel homme brun, yeux verts… Un sourire…
Taiya se réveilla en sursaut, la feuille collée sur sa joue. Elle sortit en vitesse ses crayons de couleurs, ses aquarelles et dessina son rêve.
Le lendemain, elle fut convoquée chez le « patron ». Il brandissait son œuvre de la veille avec une mine surprise. « Vous m’avez fait un excellent travail ! Pour une fois, mademoiselle ! » Depuis une demi-heure, il répétait ces phrases sans cesse, s’agitant dans tous les sens. Taiya et lui se dirigeaient vers la galerie d’honneur, une pièce imposante, décorée soigneusement. Quand ils furent arrivés devant la porte couvertes de dorures, l’éditeur poussa cette dernière et fit un signe à Taiya pour lui dire de venir. Elle avançait dans la salle en jetant des regards émerveillés sur les peintures, dessins et autres chefs d’œuvre de ses aînés. Alors qu’elle restait muette de surprise, son chef accrocha son dessin sur l’emplacement réservé aux pièces d’exception.
Ce dessin représentait un paysage d’été, un champ de fleurs, un soleil radieux, et un homme brun, beau, qui souriait en tendant la main.